Situé à 22 km au Sud de Puno, Cutimbo est une nécropole perchée sur une meseta : un petit plateau se dressant au milieu d’une immense plaine. Construit par les Lupacas puis réutilisé par les incas ce site possède les chullpas (tours funéraires) les mieux conservées de la région. La beauté du paysage et le fait qu’il soit très rarement visité en fait un site à l’ambiance particulière à découvrir absolument !

Les chullpas
Les chullpas (ou chulpas) sont des tours funéraires. Elles se composent de deux parties : la chambre funéraire et la façade extérieure.
La chambre funéraire est de forme conique et elle est construite avec la technique de la fausse voute qui consiste à décaler les pierres progressivement vers l’intérieur de l’édifice. La chambre funéraire possède souvent une maçonnerie basique mais peut comporter des niches ou deux étages à l’intérieur.

La façade extérieure est réalisé en pierre finement assemblées, voir avec des immenses blocs taillés, polis et parfaitement agencés dans le cas des plus grands édifices. Cette façade peut également posséder une corniche au sommet ou juste sous le sommet, ainsi que des éléments décoratifs taillés.

On accède à l’intérieur des chullpas via une petite entrée situé à l’Est, face au lever du soleil. Ces entrées étaient bouchées par des blocs s’emboitant parfaitement dans l’ouverture.

Les chullpas accueillaient à l’intérieur les momies de personnages appartenant à une élite dirigeante et leurs trousseaux funéraires.
Les chullpas de Cutimbo étaient toutes accompagnées de petits autels situés proche des tours et utilisés pour bruler des offrandes. De plus des offrandes enterrées aux alentours.
On sait grâce aux chroniqueurs que des cérémonies en l’honneur des défunts étaient réalisées aux autours des chullpas. Les fouilles à Cutimbo ont permis de découvrir de nombreux pillons en pierres destinés à la préparation d’aliments pour ces fêtes.

COMMENT S’Y RENDRE ?
Depuis Puno : La solution la plus simple est de prendre un taxi qui vous attendra sur le site durant votre visite et vous ramènera à Puno (30 min de route aller, 120-180 Soles la course), demandez à votre hôtel de vous mettre en relation avec un chauffeur de confiance. Sinon il est possible de prendre un combi à destination de Laraqueri et de descendre à Cutimbo, à Puno ces minibus partent au croisement de Laykakota y Leoncio Prado. Le retour est alors plus compliqué car il faut attendre un transport venant de Laraqueri avec des places libres à l’intérieur, si vous êtes plus de deux cela sera compliqué.

Chronologie du site
Tiwanaku est un grand empire qui occupe la région du lac Titicaca avant de décliner entre 600 et 1000 de notre ère. Vers 1100, la disparition de tiwanaku laisse place à des chefferies appelées les « seigneuries altiplaniques » ou les « royaumes aymaras » par les historiens. Ces groupes (Colla, Lupacas, Pacajes, Carangas, Canchis, Charcas, etc.) partagent une structure économique et sociale similaire et s’étendent sur tout l’altiplano entre le Pérou et la Bolivie. Ils sont cependant en lutte constante comme en témoignent leurs villes situées au sommet de montagnes et protégées par des murs d’enceinte (pucaras). Ces chefferies se dédient à l’élevage de camélidés et l’agriculture d’altitude (patates, oca, etc.). Elles possèdent également une territorialité discontinue avec des enclaves sur la côte qui leur permettent d’obtenir des produits comme le maïs ou la coca, notons que ce phénomène était courant dans le Pérou précolombien.
Vers 1450, la région est l’un des premiers objectifs d’expansion des incas. Selon les chroniques, les lupacas se seraient alors alliés aux incas afin de pourvoir conserver leurs privilèges alors que d’autres chefferies comme les collas auraient résisté.

Après la conquête inca, les populations locales furent déplacées par les incas afin de mieux contrôler la production et les populations et leurs pucaras furent abandonnées. Cependant, les traditions locales furent préservées et notamment les sites funéraires comme Cutimbo qui resterons utilisés jusqu’à la fin de l’empire inca.
En 1999, des fouilles seront réalisées à Cutimbo par des archéologues et les infrastructures de visite seront également construites.
La visite
En arrivant sur le site vous avez deux options : monter à pied depuis le village ou dépasser Cutimbo et prendre la piste vers le parking intermédiaire (si la barrière est ouverte) qui vous épargnera 100m de dénivelé. Si vous montez à pied depuis le village, allez jusqu’à l’école et prenez le sentier à votre droite. Ne vous souciez pas du billet d’entrée, le gardien viendra à votre rencontre pour vous faire payer le billet d’entrée à votre retour.

Les tombes du bas de la meseta
Dans la partie inférieure du site, on trouve un grand nombre de cistes (petites tombes) et de bases de chullpas généralement très endommagées. Il est probable que ces édifices aient été destinés à enterrer des personnages de moindre importance.

La chullpa rectangulaire (n°20)
Cette chullpa rectangulaire a été construite sur un sol nivelé par des terrasses. Elle possède 4 niches ainsi qu’un second niveau pour accueillir les momies. L’étage était probablement construit en bois. L’extérieur de la tour est orné de serpents en hauts reliefs.

Les grottes
Il existe 6 cavités rocheuses utilisées comme des ossuaires ou des tombes collectives. Ces lieux ont malheureusement été pillés et dégradés. Si il ne reste presque que des os dispersés, on peut imaginer grâce à d’autres sites similaires de la région que les personnes étaient disposées en position fœtale et empaquetées dans des cordelettes en fibres végétales et accompagnées d’objets et de céramiques.
On trouve également des peintures représentant des personnages et des camélidés. Une partie de ces peintures appartiennent probablement à l’époque inca car les archéologues ont retrouvé une assiette inca possédant une représentation similaire dans une des tombes, cependant une étude spécialisée postérieure démontre qu’il existe également des peintures d’époque lupaca.

Comme de nombreux sites sacrés des Andes, ces grottes ont été utilisées jusqu’à l’époque coloniale et on trouve également des représentations de croix et de cavaliers. De nos jours, les habitants réalisent encore des offrandes à l’apu de Cutimbo dans la grotte.

La CHUlLPA N°2
La chullpa circulaire n°2 possède une maçonnerie en coussin de type polygone cyclopéen. On notera que les pierres (andésite) ont été extraites sur le site. La chullpas possède de superbes représentations d’animaux en hauts reliefs : une viscacha (lagidium peruanum) et un puma encadrent la porte.

Deux félins sont également représentés de face au-dessus de l’entrée. La viscacha n’est pas un animal classique dans les représentations inca mais elles sont nombreuses à Cutimbo et sont peut-être un symbole lié aux défunts de cette tombe. Des céramiques et objets métalliques enterrés à manière d’offrandes ont été découverts aux alentours de cette tour.

Notons que la chullpa n°3 situé au bord de la falaise est également en très bon état, il existe également des dizaines de petites structures plus ou moins bien conservées sur tout le plateau mais la majorité de ces ruines est cachée par la végétation.


La chullpa n°1
L’immense chullpa rectangulaire est l’une des plus imposantes de l’altiplano. En plus de sa fonction funéraire, les archéologues pensent qu’elle aurait pu fonctionner comme un ushnu : une plateforme cérémonielle inca. La façade est construite en andésite sauf la partie supérieure de la corniche faite dans une roche volcanique rouge. Au-delà de l’intérêt esthétique, cette pierre poreuse aurait également pour fonction d’absorber l’eau de pluie.

L’intérieur de la tombe a été pillé mais les archéologues ont tout de même découvert des ossements, quelques céramiques ainsi qu’un bien rituel précieux : un coquillage spondylus (voir le dossier sur le spondylus). Trois niches trapézoïdales face à la porte servaient à réaliser des offrandes et les niches latérales servaient à déposer les corps des défunts.
Autour des chullpas principales se trouvent des cistes : des petites tombes individuelles dans lesquelles ont été retrouvé des ossements et offrandes. La découverte la plus importante est une urne funéraire composée d’un aribalo géant (sorte d’amphore inca normalement utilisé pour transporter des liquides) dans lequel était placé le corps ainsi que le trousseau funéraire composé d’objets en or et en argent ainsi que de perles. Notons que ce type d’enterrement dans une céramique est peu commun chez les incas. A proximité, deux tumis (couteaux cérémoniels, voir le dossier sur les tumis) ont aussi été retrouvés.

Usage des chullpas
Comme Sillustani, la nécropole de Cutimbo se caractérise par une concentration de chullpas situées au sommet d’un plateau. Les différents types de tombes démontrent les différences sociales des sociétés préhispaniques. Si les tombes communes des grottes et les cistes étaient destinés à des rangs sociaux inférieurs, les Chullpas monumentales fonctionnent comme des symboles du pouvoir destinés à pérenniser l’importance d’une classe dirigeante jusque dans la mort. Elles étaient probablement destinées à une élite inca ou une élite locale comme le montrent les caractéristiques incas impériales de l’architecture et des offrandes retrouvées sur place.
Le plateau de Cutimbo était probablement une montagne sacrée et elle est visible à des kilomètres à la ronde. En construisant ces immenses structures au sommet, les dirigeants locaux inscrivaient leur pouvoir au sein d’un paysage sacré. Notons aussi que les montagnes sacrées sont souvent des pacarinas, les lieux d’origine des Hommes dans la mythologie andine vers lesquels on ramène les défunts. Enfin, l’immense chullpa rectangulaire s’impose aussi comme un symbole de la domination inca sur ce territoire.
Des offrandes interdites à Cutimbo ?
Jusqu’en 2017, on pouvait entrer dans l’immense chullpa n°1 de Cutimbo qui présente un agencement intérieur particulièrement intéressant mais lors de notre dernière visite l’entrée avait été rebouchée : pour empêcher les gens de faire des rituels selon le gardien du site (des offrandes de coca et bonbons était toujours présentes dans les niches à l’intérieur de l’édifice). Il serait intéressant de savoir si ces offrandes étaient réalisées par les habitants du village (comme le laissent penser les informations des archéologues qui ont signalés la continuité du caractère sacrée du site en 1999) ou par des excursions touristiques mystiques venues de Puno (Puno et Cusco sont les principales destinations pour les excursions mystico/new age/neo inca).


Dans tous les cas on notera une incohérence au niveau du ministère de la culture sur la gestion des sites archéologiques quand on sait par exemple que Machu Picchu est « vendu » comme un sanctuaire religieux dans lequel les visiteurs sont tenus d’avoir un comportement respectant le caractère sacrée du lieu et que Pachacamac possède une zone dédiée aux rituels et offrandes, on peut s’étonner qu’on interdise les offrandes à Cutimbo. Pourtant ces deux sites archéologiques emblématiques cités comme exemple ne sont plus sacrés pour personne depuis la chute du Tawantinsuyo. Ainsi Machu Picchu est tombé dans l’oubli jusqu’à sa redécouverte au début du XXeme siècle, quant au culte de Pachacamac, il a probablement été abandonné dès les premières années de la colonie avant d’être transposé dans les célébrations religieuses du Señor de los Milagros selon l’historienne Maria Rostworowski.
Cutimbo comme beaucoup de sites funéraires des Andes semble au contraire avoir conservé un caractère sacré pour les habitants de la zone, mais à travers ce double discours favorisant d’un côté les activités pseudo rituelles alimentant un commerce privé des agences de voyages mystiques et en interdisant d’un autre coté des fêtes, traditions ou rituels andins, le ministère de la culture du Pérou ne contribue il pas à l’expropriation culturelle de populations rurales et pauvres déjà largement marginalisées ?





























LE SAVIEZ-VOUS ?
- Le département de Puno possède un nombre important de sites funéraires avec des chullpas comme Sillustani, Cutimbo, Chiariaque, Tanka Tanka ou Molloco pour ne citer que les édifices les plus imposants.
- A Cutimbo on trouve trois types de tombes : les cistes individuelles, les cavités rocheuses destinés à des tombes collectives et les chullpas.
- Cutimbo est aussi un superbe site naturel où l’on observe facilement des viscachas, des oiseaux et d’autres rongeurs.
- Cutimbo et Sillustani sont les principaux sites funéraires la de la zone ouest du Titicaca. Sillustani concentre la grande majorité des touristes et Cutimbo est rarement visité. Les autres sites de chullpas ne sont connus que des habitants de la région.
- Le site de Cutimbo est l’un des sites ayant eu la plus forte hausse de tarifs ces dernières année, le prix a été multiplié par deux en 5 ans et pourtant il attire toujours aussi peu de visiteurs et possède une infrastructure touristique minimaliste…
INFOS PRATIQUES
- Prix d’entrée : S/.15
- Type d’accès : Voiture et randonnée
- Temps d’accès : 30 minutes de route depuis Puno + 30 minutes de marche
- Département/Province : Région de Puno/ Département de Puno
- Altitude : 4060 m
- Ville de départ suggérée : Puno
- Temps de visite : 3-4h
- Service de guide : Non
- Service de muletiers : Non
- État du site : Entretenu et surveillé
- Musée de site : Si le gardien est la demander à voir les céramiques conservé dans le bâtiment d’accueil.
Sources
TANTALEAN, Henry et PEREZ MAESTRO, Carmen. Muerte en el altiplano, investigaciones en la necropolis de Cutimbo. Revista de Arqueologia, n°228. 12p.
TANTALEAN, Henry. Regresar para construir: prácticas funerarias e ideología(s) durante la ocupación inka en cutimbo. Chungara, Revista de Antropología Chilena, 2006, Volumen 38, N°1, p.129-143
ROSTWOROWSKI DE DIEZ CANSECO, Maria. Pachacamac y el Sẽnor de los Milagros: una trayectoria milenaria. Lima : Instituto de Estudios Peruanos, 1992. 214 p.