Le tronçon longitudinal des Andes du Qhapaq Ñan traverse les principaux accidents géographique des Andes et parmi eux des canyons et gorges creusés par des fleuves profonds et nécessitant la construction de ponts suspendus. Dans la région d’Ancash, la route inca franchit plusieurs rivières dont les eaux tumultueuses proviennent des glaciers de la cordillère blanche.

Après le village de Piscobamba, la route inca plonge dans une vallée chaude, étroite et escarpée, formée par le rio Yanamayo. Cet obstacle a demandé la construction d’un pont suspendu en fibre végétale, l’un des types d’ouvrages les plus impressionnant du Qhapaq Ñan.

Les ponts incas
Les ponts étaient un élément essentiel dans un territoire traversé par de nombreux cours d’eau infranchissables à gué durant une bonne partie de l’année. Ces ponts prenaient des formes différentes en fonction des matériaux disponibles et des obstacles à franchir.
La majorité des ponts incas possédaient un tablier rigide fait de pierre ou de bois, mais lorsque la nature du terrain ne permettait pas de construire ce type de pont, les incas avaient recours aux ponts suspendus.

Ces ponts sont surement les plus emblématiques des ponts incas, ils étaient constitués de bases en pierres et en terre sur lesquelles étaient amarrées 6 cordes de gros diamètre destinées à former les rambardes et soutenir le tablier fabriqué en bois et en cordes. Les principaux végétaux utilisés pour la construction de ces ponts étaient le lloque (Kageneckia lanceolada), le chachacomo (Escallonia resinosa), le sauce (Saliz humboltiana), le chilca (Baccharis spp.) ou le chuchau (Fourcoroya andina).

Le nom du pont
Yanamayo signifie la rivière noire et cette toponymie est assez classique dans les Andes. En revanche le nom attribué au pont est peu courant, en effet le mot « chaca » (pont) est normalement systématiquement accolé au nom des ponts incas (Par exemple : Hatunchaca, Maucachaca, Pachachaca, Queswachaca, etc.), ici le toponyme se limite à Pucayacu qui signifie les eaux rouges. Ce nom fait sans doute référence à la couleur de l’eau en période de crue et n’est peut-être pas le nom original du pont inca.

Comment s’y rendre
On peut rejoindre le village de Pomabamba depuis Chimbote en bus (environ 10h de trajet), cette zone isolée se situe aussi sur l’axe longitudinal andin du Qhapaq Ñan et on peut aussi arriver ici à pieds !
Depuis Pomabamba : Rejoindre Piscobamba en taxi ou colectivo (1h), il est possible de commencer une rude randonnée en aller-retour ou de poursuivre sa route sur le Qhapaq Ñan vers Yauya depuis ce village. Si vous ne voulez visiter que le pont il existe une piste pour se rendre plus près, elle passe par Socsobamba puis traverse le sentier vers le Pacayacu un peu avant de rejoindre le village de Llama.

La randonnée
Depuis Piscobamba, il faut compter 26 km aller-retour pour se rendre au pont de Pucayacu, 22km pour rejoindre le village de Yauya situé de l’autre côté du pont ou 7km si vous partez de la piste de Llama.
De Piscobamba on quitte le village par la piste et au bout d’1,5 km on bifurque à gauche après une maison pour emprunter le Qhapaq Ñan. Le sentier descend vers le fond d’une vallée où un éboulement a endommagé la route, puis remonte jusqu’à la crête de Campanayoc où se trouve un hameau avec une église. Le chemin remonte alors vers une seconde crête avant de descendre vers le village de Canrash qui marque le début de la véritable plongée jusqu’au rio Yanamayo (8km +300 -300m). On croise la piste qui relie Llama à Soscsobamba et Piscobamba peut après Canrash puis le sentier plonge en zigzags jusqu’au pont Pacayaku (7 km -550 m depuis la piste).

En face une longue remontée par la route inca évidente vous mènera jusqu’au village de Yauya (8 km +1000m), attention à ne pas sous estimer cette montée interminable où le soleil tape fort !
Il existe une seule source dans la dernière partie de la descente vers le Pucayacu, l’eau entre Piscobamba et Pucayacu est souillée, pour trouver de l’eau propre il faut demander aux habitants pour se ravitailler à leurs robinets.

Chronologie du site
Miguel de estete qui accompagnera Hernando Pizarro jusqu’à Pachacamac sera le premier à décrire le pont Pacayacu en 1533 :
« Pour rejoindre Piscobamba, à mi-chemin il existe un fleuve profond et par-dessus lui deux autres ponts unis et fait de cordes. Ce fleuve est le Yanamayo qui parcours une vallée très profonde. » Miguel de Estete, 1533
Au 19eme siècle, Antoni Raimondi passera par Pacayacu sans pouvoir traverser car le pont avait déjà disparu à cette époque.

Ricardo Espinoza identifiera la base des ponts inca du Yanamayo lors de ses explorations du Qhapaq ñan entre la fin des années 1990 et le début des années 2000, mais il devra également emprunter une autre route pour franchir le fleuve à cause de la disparition du pont.
En 1955, les habitants des villages de Yauya et Llama situés de part et d’autre du pont souhaitent reconstruire un pont dans le secteur de Pacayacu mais leur projet n’aboutira pas par manque d’étude technique adaptée.

En 2005 les deux communautés soutenues par le gouvernement provincial, l’INC (ex ministère de la culture) et la ville de Pomabamba lancent un ambitieux projet de reconstruction du pont inca. Des constructeurs du pont Qeswachaca seront envoyés depuis Cusco afin de transmettre leurs techniques et leur savoir-faire et en 2006 le pont Pacayacu reconstruit sur le modèle de celui de Cusco est inauguré, il mesure 60m de long.

Le pucayacu un vrai « faux pont inca »
Malgré ses apparences initiales de pont inca, le Pucayacu a en réalité été réalisé avec des matériaux modernes camouflés par un habillage en fibres végétales.

Depuis quelques années le tablier du pont a été reconstruit en planches, puis il a été laissé à l’abandon et son état de délabrement avancé laisse apparaitre les matériaux modernes qui soutiennent l’ouvrage : murs des bases cimentés, tubes métalliques à la place du bois ou de la pierre, câbles, etc.

Aujourd’hui il ne reste qu’un pont en fibres végétales d’origine préhispanique qui continu d’être entretenu régulièrement par des communautés andine : le keswachaka (Cusco).

D’autres initiatives similaires au Pacayaku existent ou ont existés au Pérou mais souffrent également de l’absence de continuité.
En 2022, l’état du Pucayacu ne permet pas un franchissement à pied dans des conditions correctes de sécurité et on peut s’interroger sur l’absence d’adhésion au projet de la part des communautés locales.

En réalité, comme beaucoup de projet patrimoniaux au Pérou, la reconstruction du Pucayacu n’a pas été réalisé en prenant en compte les nécessités des habitants. La majorité des gens qui seraient susceptibles de transiter entre Piscobamba et Yauya à pieds sont avant tout des éleveurs locaux qui ont besoin d’un pont moderne franchissable par des mules ou des vaches.
De plus, malgré le potentiel touristique du Qhapaq Ñan dans cette région, le Pucayacu reste difficile d’accès et éloigné des circuits touristiques de la cordillère blanche. Bien que les habitants de Piscobamba et Yauya connaissent bien le pont, il aura suffit de quelques années pour que ce projet de reconstruction dont l’origine était probablement politique ne tombe complétement à l’eau…

















Le saviez-vous ?
- Au Pérou les ponts suspendus incas sont très rares, à part le Qeswachaka il existe quelques projets de reconstructions dans les régions d’Ancash, Ayacucho ou Cusco mais l’état de ces ponts peut varier constamment.
- Le Qeswachaca est le seul pont qui est reconstruit chaque année, pour des raisons culturelles et politiques, il n’a en réalité aucun intérêt pratique car il se trouve à 200m d’un pont routier moderne !
- Les grands ponts du Qhapaq Ñan ont presque tous disparus au 19eme siècle et sont en grande majorité tombés dans l’oubli. Aujourd’hui, à part les historiens et archéologues, peu de gens savent encore où se trouvent les vestiges des bases de ces nombreux ponts.
Infos pratiques
- Prix d’entrée : Gratuit
- Type d’accès : Randonnée
- Temps d’accès : 4-5h (12 km)
- Département/Province : Ancash / Mariscal Luzuriaga
- Altitude : 2250 m
- Ville de départ suggérée : Llama pour un visite en aller-retour
- Temps de visite : Une grosse journée
- Service de guide : Non
- Service de muletiers : Non
- État du site : Délabré au moment de la rédaction de cet article mais son état pourrait changer de nouveau en cas de reconstruction. Matériel et techniques d’assurage indispensables pour traverser.
- Musée de site : Non
Sources
BARNABE ROMERO, JOSEPH A. et ORELLANA MAURICIO, GUILLERMO. Renovacion de un puente de fibra en camino del Chinchaysuyu.
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