Qui étaient les dieux du Pérou préhispanique ? d’où provient l’iconographie omniprésente dans les magasins de souvenirs et la culture populaire péruvienne ? Je vous emmène à la rencontre des plus incroyables représentations des dieux de l’ancien Pérou. Stèles, totems, fresques, céramiques, nombreuses sont les représentations des divinités que ce soit sur des supports mobiles destinés à faire voyager et diffuser une iconographie et des idées religieuses ou sur des totems, stèles ou fresques destinées à orner les temples ou matérialiser le dieux lors des cérémonies.
Pachacamac
L’un des dieux les plus important du Pérou préhispanique fut Pachacamac, l’influence de son temple s’étendait sur toute la côte centrale et l’on venait consulter les oracles de Pachacamac pour demander conseil et se soigner. Le site est ensuite conquis par les incas et son influence s’étend alors sur tout le Tawantinsuyo, et l’inca lui même viendra consulter l’oracle . La célébrité du site attirera les convoitises des conquistadors dans le début de la conquête, Francisco Pizarro envoie ainsi son frère Hernando à Pachacamac pour superviser le paiement de la rançon d’Atahualpa. Selon les écrits d’Hernando Pizarro, dans le temple peint de Pachacamac se trouvait un pièce sombre qui abritait la statue du dieu. Si cette statue fut détruite par Hernando Pizarro en 1533, l’archéologue Albert Giesecke à retrouvé en 1938 une statue qui fut probablement un ornement secondaire du temple principal du dieu Pachacamac. La statue est exposée au musée du site archéologique de Pachacamac.
Pachacamac signifie « celui qui anime le monde » en Quechua. Il possède des attributs de créateur de monde et des hommes qui l’habitent, il peut faire trembler la terre, influer sur la fertilité et guérir les maladies. Le nom de Pachacmac est un terme quechua qui a été apporté par les incas, les historiens pensent que son nom original était Ychsma.

Mais l’un des pouvoirs les plus important du dieu et de ses oracles c’est celui de divination :
« Il y a dans cette mosquée [de Pachacamac], une idole générale commune à tous, et il y a un sage fameux qui a la charge de cette mosquée, et les Indiens croient qu’il détient la connaissance des événements futurs, car il parle à cette idole »(Jerez 1965:67)
Dans le temple se déroulaient ainsi de nombreuses cérémonies avec des offrandes et sacrifices d’animaux et d’humains.

Les dieux du temple de Chavin
Le temple de Chavin est célèbre pour ses superbes stèles représentant des dieux anthropomorphes aux attributs de félins de rapaces et de serpents.Cas unique pour le moment au Pérou c’est à Chavin qu’on trouve la seule représentation d’un dieu préhispanique à son emplacement d’origine : le « Lanzon ». Situé au fond d’un des nombreux tunnel du site archéologique, le Lanzon est une immense pierre ancrée entre le sol et le plafond et entièrement taillée pour représenter le « dieu souriant » qui fut surement la divinité principale du temple. Tout comme la représentation de Pachacamac, on pense que seul un petit groupe de personnes privilégié pouvais accéder au Lanzon. On accède à l’endroit en petit groupe et l’accès a la stèle est fermée par une vitre, le monolithe est éclairé en rouge probablement afin d’évoquer les offrandes de sang versées le long du dieu.
Le Lanzon de Chavin Détail du dieu souriant du Lanzon
Le musée de site se Chavin regorge de stèles représentant des dieux Chavin (retrouvées en majorité sur le site et mises à l’abri dans le musée) et notamment le superbe « obélisque Tello ». Cette immense stèle de 2,52×0,32m représente un dieu qui est interprété comme un être dual masculin et féminin par Tello et comme un dieu félin volant par Kauffman Doig (qui considère plusieurs dieux Chavin comme des félins volant similaires aux dieux Nazca).
Détail de l’obélisque Tello La représentation complexe du dieu dual de l’obélisque Tello
Il existe toutefois deux autres représentations impressionnante de dieux Chavin qui ne se trouvent pas sur le site archéologique du même nom. L’immense stèle de Yauya (3,00×0,50m) retrouvée dans un champ a des dizaines de kilomètres du temple est actuellement conservé dans le collège Cesar Vallejo du village de Yauya. Elle représente un dieu interprété comme un poisson, un caïman ou un félin volant. Je n’ai jamais eu l’occasion de l’observer et je ne sais pas dans quel état se trouve cette stèle supposé avoir été retrouvée en 4 morceaux.
Représentation du dieu de la stèle Yauya Stèle Yauya – Photo : wikipedia
Enfin la plus belle stèle de Chavin est appelé stèle Raimondi, du nom de l’explorateur qui la trouva dans la salle à manger d’un paysan de la vallée (la stèle était utilisée comme table, les ornements du côté du sol). Elle est conservée au musée d’archéologie et d’anthropologie de Lima. Son emplacement à l’extérieur sans vitrine fait un peu de peine et est révélateur du peu de moyens attribués à la conservation du patrimoine par le gouvernement péruvien (la stèle fut d’ailleurs brisée par une chute lors d’un tremblement de terre en 1940)… On ne peut qu’espérer qu’elle sera finalement transféré au musée de Chavin ou dans le futur musée national d’archéologie à Pachacamac. La stèle mesure 1,98x74cm. La représentation du dieu portant une immense coiffe est extrêmement détaillée. C’est probablement l’une des plus ancienne représentation du « dieu des sceptres » largement réutilisé par d’autres civilisations andines. Selon Kauffman Doig la partie supérieure du dessin n’est pas une coiffe mais des ailes déployées. On pense que cette stèle était exposée a la vue des pèlerins dans le temple de Chavin.
Visage du dieu de la stèle Raimondi Stèle Raimondi
Wiracocha
Selon les chroniqueurs Wiracocha (ou Viracocha, ou Huiracocha) sort du lac Titicaca et crée les hommes, les étoiles, le soleil et la lune. Il est tantôt présenté comme un dieu créateur et puissant, tantôt comme un héros mythique aux nombreuses péripéties. Pedro Sarmiento de Gamboa, nous dit que Viracocha signifie « graisse ou mousse de mer », car quand le dieu est sorti du lac Titicaca, il marchât sur les eaux comme de la mousse. Lors des premières décennies de la conquête le terme Viracocha est utilisé pour évoquer Dieu, probablement afin d’expliquer plus facilement le concept de dieu catholique aux natifs.

Porte du soleil de Tiwanaku

Viracocha est souvent appelé le dieu des sceptres en référence à l’iconographie diffusée par les civilisation Chavin, Tiahuanaco puis Wari. L’une de ses plus belles représentation se trouve sur la porte du soleil du site archéologique de Tiwanaku en Bolivie. Cette représentation vous rappelle peut être quelques chose, Hergé l’a utilisé sur la première page de Tintin et le temple du soleil !
Statue de Raqchi

Retrouvé dans le temple de Wiracocha à Raqchi, la statue du dieu créateur Viracocha représenté sous une forme humaine fut déplacée et décapitée par les espagnols (probablement lors d’un processus d’extirpation d’idolâtries). Si sa tête fut emportée en Espagne et se trouve actuellement au musée des Amériques de Madrid, son corps se trouve à Cusco.
Décapiteur de Pucara
Le dieu décapiteur de la civilisation Pucara appellé Hatun Ñacak fut largement représenté sous forme de statues en pierres. Si la plupart ont été décapitées lors d’extirpations d’idolâtries la plus belle et la plus grande de ces statues se trouve au musée lithique de Pucara. Ce personnage porte un tumi (couteau sacrificiel, voir l’article consacré aux Tumis Lambayeque pour plus de details) et une tête décapitée. Notez que la civilisation Pucara représentait également d’autres dieu comme le « dieu qui dévore les enfants » et le Suche (un poisson chat). On observe ces stèles au musée lithique de Pucara ainsi qu’un beau Suche au musée Carlos Dreyer de Puno.

Pariacaca et ses adoratoires
De nombreuses montagnes péruviennes sont considérés comme des divinités. En effet les Apu (montagnes sacrées) sont des divinités masculines contrôlant les phénomènes météorologiques comme la pluie et régulent l’eau, influençant ainsi sur la fertilité des plantes, des hommes et des animaux. Ils forment également un axis mundi, une connexion entre les trois mondes (céleste, terrestre et sous terrain) des civilisations préhispaniques. Le Pariacaca fut l’un des principaux dieu du Chinchaysuyo (partie Ouest du territoire inca) et l’on connait très bien ses légendes grâce aux manuscrits de Huarochirí, un livre compilant la mythologie de la province de Huarochirí (témoignage unique au Pérou). Ce glacier au double sommet (representant le caractère dual du dieu) était considéré comme la source des fleuves Cañete, Mala, Lurin, Rimac et Mantaro ce qui lui confèrait un caractère sacré. Cette cordillère alimente en effet les principaux fleuves de la région de Lima.Les centaines de rochers taillés aux alentours de l’escalier inca passant par le Pariacaca sont autant de mini representations du dieu pariacaca et son sommet bicéphale taillés par les pèlerins pour former de petits adoratoires.Si la zone n’a jamais été fouillée les habitants de la zone affirment que de nombreuses offrandes ont été retrouvé sous des rochers dans cette zone. L’adoratoire principal de Pariacaca fût detruit para Francisco de Avila en 1610. Ce religieux organisât une véritable croisade locale probablement motivée par un esprit de vengeance (un conflit personnel avec les habitants de la zone) et détruisit la plupart des huacas des provinces de Yauyos et Huarochirí. Le père Fabian de Ayala qui l’accompagnait décrit la destruction de l’adoratoire et la mort de Pariacaca qui provoque selon lui l’effondrement de l’escalier inca et des adoratoires taillés dans les roches qui possèdaient selon ses dires « leur propre mystère ».
Naymlap
Le dieu Naymlap est l’ancêtre légendaire des Lambayeque. Selon la légende retranscrite par l’espagnol Cabello de Balboa, Naymlap (aussi appellé Naylamp ou Ñaimlap) arrive en bateau accompagné de sa cour et sa femme et fonde le temple de Chot d’où sa dynastie partira conquérir la vallée de Lambayeque. Dans le temple sera conservé Llampayec une statue en pierre verde representant Naymlap. Si les historiens pensent que le site archéologique de Chotuna serait le temple de Chot, la statue representant Naymlap n’a jamais été retrouvée. En revanche des impressionantes représentations de Naymlap se trouvent sur le manche des Tumis en or Lambayeque. Si l’extraordinaire Tumi d’Illimo a été volé et probablement détruit il existe toujours plusieurs Tumis exposés au musée de l’or et au musée de la banque centrale à Lima. Au musée Bruning de Lambayeque, on observe plusieurs ornements en or représentant probablement Naymlap. Voir le dossier sur les Tumis pour plus de détails.
Kon
Tout comme les Moches, les Nazca ont largement représentés toute leur société sur leurs superbes céramiques peintes. La représentation des dieux Nazcas comme l’orque mythique ou le félin volant sont très nombreuses.
Dans les légendes, kon est présenté comme un dieu créateur du monde. Il peuplât la terre d’êtres humains leur donnant de l’eau et des fruits en abondance mais ils oublièrent rapidement de lui faire des offrandes et Kon les punira en leur supprimant les pluies et en transformant les terres fertiles en déserts. Il laissera seulement quelques fleuves pour qu’ils puissent survivre grâce à beaucoup de travail et d’efforts. Aujourd’hui, il est facile d’observer le dieu Kon sur des céramique Nazca dans tous les musées archéologique du Pérou et dans l’artisanat de la région de Nazca.
L’orque mythique Dieu du félin volant Nazca enroulé autour d’un céramique Dieu félin Nazca sur une céramique typique à double goulot en « pont » Fresque murale représentant Kon dans la ville de Nazca
Sources
ARGUEDAS, José María : Dioses y hombres de Huarochirí. p. 278. ISBN 978-9972-51-331-2
Kauffmann Doig, Federico: Historia y arte del Perú antiguo. Tomo 2, p. 193. Lima, Ediciones PEISA, 2002. ISBN 9972-40-214-2
Burger, Richard L. (2008). «The Original Context of the Yauya Stela». Conklin, William J.; Quilter, Jeffrey, eds. Chavín : art, architecture, and culture (en inglés)(Los Angeles: Cotsen Institute of Archaeology at UCLA): 163-179.
https://www.academia.edu/34899793/El_Tumi_de_Lambayeque_The_Tumi_of_Lambayeque
https://journals.openedition.org/bifea/5786#tocto1n1
http://sisbib.unmsm.edu.pe/bibvirtualdata/libros/CSociales/ensayos_ciencias/v1n2/a01.pdf
http://sisbib.unmsm.edu.pe/bibvirtual/publicaciones/alma_mater/1999_n17/santuario.htm
https://revista.escaner.cl/node/1794
https://historiaperuana.pe/periodo-autoctono/dios-varas-baculos-wari/
Quelle culture ! superbe article comme tout les autres. Bravo
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