Tambo Colorado

Situé à 480m dans la vallée de Pisco, Tambo Colorado est l’un des plus grands sites inca de la côte du Pérou mais surtout l’un des mieux conservé. C’est aussi l’un des rares sites administratif inca ayant conservé son plan urbain avec sa place, son ushnu et ses palais ce qui permet une immersion impressionnante lors de la visite.

Comment s’y rendre

Depuis Pisco : La route qui mène à Tambo Colorado est peu fréquenté et il est recommandé de venir en taxi depuis Pisco, compter 50 min aller.

Depuis Paracas : Depuis Paracas on peut rejoindre facilement Pisco en bus (25 min) puis trouver un taxi pour Tambo colorado ou négocier directement une course en taxi a/r depuis Paracas.

Chronologie du site

Selon les études de céramiques réalisées par Engel, le secteur de Tambo Colorado aurait été occupé par les cultures Paracas puis Nazca.

Adolph Bandelier est l’un des premiers explorateurs à visiter Tambo Colorado en 1893, ses notes et croquis permettrons de dessiner le premier plan partiel du site.

Le plan de Tambo Colorado par Bandelier

Max Uhle arrive à Tambo Colorado en 1901, il identifie un site à l’architecture purement inca et effectue la première étude du site, de nombreux croquis et photographies ainsi qu’un plan. Il réalise une première division du site en proposant une fonction pour chaque secteur. Ses observations servent encore aux historiens, notamment des descriptions et images de secteurs aujourd’hui détruits. Son étude du site reste donc encore incontournable de nos jours.

Le Plan de Tambo Colorado par Uhle

En 1928, l’architecte péruvien Emilio Harth-Terré étudie le site et réalise un plan qui sera republié plusieurs fois jusqu’en 1977.

En 1956, l’archéologue péruvien Julio C. Tello effectue une campagne de nettoyage, restauration et mise en valeur du site.

En 1957 Fréderic Engel, étudie la zone alentour et recherche des sépultures et des zones de terrasses, il publie une étude et notamment une analyse de 3000 fragments céramiques retrouvés en surface.

En 2001, le « Proyecto Arqueológico Tambo Colorado » effectue sa première campagne de fouille sous la direction de Craig Morris, Jean Pierre Protzen, et Julián I. Santillana. Le projet est financé par des fonds étasuniens et fait collaborer des archéologues péruviens et nord-américains. Peu de fouilles seront réalisées mais une cartographie précise et détaillé sera publiée ainsi qu’une division en 7 secteurs.

Le plan de Tambo Colorado par Craig Morris

À partir de 2014, c’est le projet Qhapaq ñan qui va mener des campagnes au Tambo Colorado dans le cadre d’un projet plus large autour de la route inca reliant la vallée de Pisco et Vilcashuaman. Les études du projet Qhapaq Ñan se limiterons toutefois à des diagnostiques liés à la conservation du site fortement endommagé par les séismes.

Visite

Le site de Tambo colorado est situé à 485m dans la vallée du rio Pisco. Sa localisation est stratégique le long d’une route inca importante qui reliait la vallée de Pisco à Vilcashuaman dans les Andes. On notera également sa proximité et sa connexion (chemins et canaux) avec la vallée de Chincha qui abritait l’une des plus importantes civilisations de la côte Sud.

Sa position en haut de la vallée agricole de Pisco assurait le contrôle de l’irrigation dans l’une des plus grande zone cultivable de la côte centrale du Pérou. Il partageait probablement l’administration de la vallée avec le site de Lima la Vieja aujourd’hui disparut sous un hameau situé entre Humay et Dos Palmas.

Le nom

Le nom actuel qui signifie le Tambo rouge fait évidemment référence aux murs coloré des ruines. Le nom original du site possède la même signification : pucallacta, pucahuasi ou pucatampu (ville, maison ou tamborouge en quechua).

Détails architecturaux et couleurs de Tambo Colorado par Bandelier

Architecture

Le site de Tambo Colorado est construit autour d’une place centrale trapézoïdale qui est elle-même traversée de part en part par la route inca. Selon Morris le chemin inca délimite les deux moitiés symboliques de Tambo Colorado : Hanan (haut) au Nord et Urin (bas) au Sud. Cette bipartition est une constante de l’urbanisation inca.

L’architecture du site semble au premier abord de type inca classique avec ses ouvertures trapézoïdale et son organisation en canchas (place ou cour entourée de bâtiments rectangulaires dont les ouvertures donnent sur le patio). Mais plusieurs éléments dénotent clairement avec le style inca : ouvertures et niches en escaliers, créneaux, frises.

Des éléments architecturaux peu courants. Photographie de Max Uhle

Les bâtiments ont été construits avec des bases de pierres fixés avec un mortier et des briques d’adobes de différentes tailles et élaborées avec des moules. Les murs mesurent entre 2,40 et 3 m de hauteur et 65 et 90 cm de largueur. L’intégralité du site a été revêtue d’un enduit en terre.

Le site se caractérise aussi par ses nombreux murs peints principalement avec trois couleurs : rouge, blanc, jaune, on notera aussi la présence de couleur noire. Les décorations consistent en des bandes de couleurs superposées. Les pigments rouge et jaune proviennent de roches volcaniques extraites dans une carrière voisine et le blanc provient vraisemblablement d’une mine de plâtre locale encore en activité aujourd’hui, seul le pigment noir à base de manganèse n’existe pas à proximité du site et proviendrait d’une région éloignée. Morris à tenter de déterminer si les 14 patrons de couleurs recensés avaient un lien avec la fonction et la hiérarchie des différents espaces du palais Nord-Est (secteur B) mais sans succès, on l’explique en partie par le faible nombre de patron interprétatifs disponibles (données ethnos-historiques permettant d’associer les couleurs à une symbolique).

Secteur B : Palais Nord-Est (aussi appelé palais I).

Le Palais I ou Nord-Est, est le bâtiment le plus grand et le mieux conservé du site archéologique.

Reconstitution du Palais Nord-Est

La façade du palais donnant sur la cour possédait une plateforme basse de 6 à 7 m de largeur. Les restes de colonnes indiquent que ces plateformes étaient couvertes d’une toiture à la manière de galeries. Morris pense que ces galeries pouvaient servir d’abris à de grande population à la manière de callanca ouvertes. Les toitures auraient servi ici à s’abriter du soleil.

Composé d’une cour extérieure (A sur le plan détaillé) entourée de deux grands bâtiments et trois petits s’ouvrant directement sur le patio. Le bâtiment au sud Est possède une curieuse frise décorative tombée d’un mur dont les motifs ressemble à ceux utilisé dans l’architecture Chincha de la vallée voisine.

Comparaison d’une frise de Tambo Colorade et d’une frise Chincha par Morris

Une petite place ouverte (B) se trouve dans une seconde partie de bâtiment à l’accès restreint, elle est bordée par trois édifices à l’Est et donne accès via un couloir à une troisième place (C), probablement les logements royaux.

Le plan du Secteur B par Morris

Les trois bâtiments à l’Est de cette place présentent des « plateformes lits » et des fenêtres en escaliers. Morris pense que cette partie était réservé à une élite, probablement à l’inca lui-même. La pièce 47 abrite aussi l’unique reste d’une frise composée de motifs géométriques rappelant les tissages incas.

Image : PRTC

Les palais de Tambo Colorado abritent aussi des fontaines ou des bains ainsi que des curieux édifices de deux étages.

Secteur D : Le complexe extrême Est (CEE)

Ce secteur se compose d’une grande place entourée de murs et de deux complexes de bâtiments abritant plusieurs pièces. Ce secteur possède un plan architectural ne correspondant pas à un patron de construction inca ainsi qu’un mystérieux bâtiment : une pièce surélevée construite sur une base solide à laquelle on accède par une rampe zigzagante. Protzen indique qu’il pourrait s’agir d’une tombe. Il note que si le secteur D semble contemporain au secteur inca, ses différences architecturales indiqueraient qu’il ait été bâti en parallèle pour servir de résidence à un chef local au service des incas.

Secteur F : La place

On accédait à l’immense place de Tambo colorado par deux portes qui permettaient au chemin inca de la traverser. Ces portes n’existent plus aujourd’hui mais Uhle qui indique que la porte Ouest était une porte à double jambage, ces portes indiquent normalement l’entrée dans un secteur privilégié. Notons que la porte Est était déjà détruite lors des études d’Uhle.

Ce grand espace publique était probablement utilisé pour des cérémonies regroupant une large quantité de public, des personnes normalement non liées à un privilège en particulier. Notons que la présence d’une porte à double jambage pour entrer sur cette place est étrange puisqu’elle marque normalement l’entrée d’un bâtiment réservé à une certaine élite.

La place est encadrée par des incroyables murs ornés de niches. Le mur ouest est en mauvais état et abrite un ushnu.

Les dépôts

Situés sur le flanc Est de la place, ces bâtiments composés de deux grandes cours s’ouvrant chacune sur trois pièces auraient servis de Colcas.

Photo de Uhle, à gauche le secteur des dépôts

Ushnu

L’ushnu de Tambo Colorado possède une seule plateforme avec une rampe principale donnant sur la place et une petite rampe orientée vers les palais Sud-Ouest.

À l’époque inca l’ushnu était un bâtiment où se réalisaient divers rituels comme des sacrifices, des offrandes ou des observations astronomiques. L’inca siégeait au sommet de l’ushnu à la manière d’une estrade surplombant la place depuis laquelle il dirigeait les cérémonies durant ses visites provinciales.  

Secteur G : Les palais Sud-Ouest

Ce secteur est composée de deux palais (n°II et III) assez endommagés notamment par une crue puis par la construction de la route principale de la vallée. On notera que cette zone était déjà détruite lors des études de Max Uhle au début du XX eme siècle.

Photo de Uhle. Au fond, le secteur G déjà fortement endommagé.

Le Palais n°II est très similaire au palais principal et pourrait être d’un rang supérieur au palais n°III.

On accède au palais II par la place en traversant une porte à double jambage qui donne sur une cour intérieur entourée de 8 bâtiments. Une seconde porte ouvre sur la place secondaire située plus à l’arrière du bâtiment. Cette partie a été détruite par une crue avant la visite de Bandelier en 1893 puis en 1996, la route actuelle a été construite par-dessus les restes. Enfin, en 2007, le tremblement de terre de Pisco a terminé de détruire ce qu’il restait du second patio.

Selon Jean Pierre Protzen, la proximité du palais II avec l’ushnu et sa connexion via une plateforme semble le lié à une fonction religieuse. Cela correspond avec l’observation de la division Hanan/Urin du site où le palais I (secteur B) se trouverait dans la zone Hanan et les palais II et III dans la zone Urin. Selon Maria Rostworowski Hanan correspondrait la zone de l’inca guerrier et Hurin à l’élite religieuse inca ce qui correspond bien à l’hypothèse de Protzen. Le palais III serait peut-être dû à une division tripartite non incompatible avec la division Hanan-Urin et destiné à une élite locale.

Secteur E : Bâtiments Ouest

Ces bâtiments sont disposés de chaque côté de la route inca, leur usage était donc peut être lié au chemin : point de contrôle ou bâtiment administratifs.

Bâtiments surplombant le site

Ces bâtiments occupent deux petits plateaux situés juste au-dessus de Tambo Colorado, curieusement ils ne sont pas mentionnés dans les études. Leur proximité avec les terrasses fait qu’ils pourraient être liés à l’agriculture (greniers ou bâtiments destinés à l’administration agricole).

On notera leur forme insolite, le groupe de bâtiments à l’Ouest évoque un camélidé, celui à l’Est arbore une forme orthogonale plus classique mais il est couronné par une sorte de mur de soutènement en arc de cercle.

Le camélidé

Les terrasses

Les montagnes avoisinant le site sont parsemées de terrasses destinée à éviter les éboulements. Les terrasses voisines aujourd’hui désertiques étaient probablement irriguées et destinée à l’agriculture.

Restes de terrasses incas

Les terrasses en amont du site se trouvent sur l’étage écologique de la Chaupi Yunga qui offrait un climat propice pour la culture d’une variété de coca côtière appelée Tupa Coca (Erythroxylum novogranatense var. truxillense). Pour plus d’information sur les terrasses de culture préhispanique, consultez notre dossier.

Des terrasses photographiées par Uhle

Le chemin inca

Le site de Tambo Colorado est associé à la route inca reliant Vilcashuaman dans les Andes et Lima la Vieja dans la moyenne vallée de Pisco. Cette route transversale de 260 km permettait de relier la côte et les Andes et connectait la vallée de Pisco au tronçon longitudinal des Andes : la colonne vertébrale du Qhapaq Ñan.

Les chemins des vallées côtières étaient souvent impressionnants, suspendus aux falaises instables grâce à leurs immenses murs de soutènement, mais la plupart sont aujourd’hui détruit ou impraticables. Un court tronçon reste toutefois praticable sur le site de Tambo Colorado, il suffit de traverser de la place principale et de suivre le chemin évident qui surplombe la route moderne. Au bout de 700m environ le chemin rejoint une petite vallée où se trouvent des vestiges de terrasses et de bâtiments, on peut alors rebrousser chemin ou rejoindre la route où l’on aura pris soin de donner rendez-vous à son taxi.

Conclusion

L’état de conservation du site et sa mise en valeur est assez unique pour un édifice inca de la côte péruvienne. Bien que le site soit en grande partie inaccessible car on ne peut pas pénétrer plus loin que la première cour du palais, se trouver au centre de la place principale de Tambo Colorado est une expérience unique. Cela permet d’imaginer facilement l’immensité des cités incas, surtout quand on sait que Tambo Colorado était un site relativement petit en comparaison avec de grands centres urbains comme Huanuco Pampa, Pumpu, hatun Xauxa ou Vilcashuaman.

Le saviez-vous ?

  • Bien que les dommages ne soit pas forcément visibles, le site de Tambo colorado a été fortement affecté par le tremblement de terre de 2007 dont l’épicentre se trouvait dans la vallée d’Ica.
  • Comme beaucoup de sites archéologiques, Tambo Colorado comporte des graffitis allant de l’époque préhispanique à l’époque actuelle en passant par des croix coloniales et des noms d’explorateurs ou visiteurs du 19eme siècle.
  • Les sites incas possèdent généralement la forme d’un animal, à Tambo Colorado on peut observer (uniquement vue du ciel !) un bâtiment secondaire en forme de camélidé.
  • Tambo Colorado est l’un de rare site inca restauré et bien conservé la côte péruvienne, Incahuasi de Lunahuana et Huaycan de Cieneguillan sont deux autres sites restaurés permettant une bonne immersion dans ces centres administratifs côtiers.

Infos pratiques

  • Prix d’entrée : S/.5
  • Type d’accès : En voiture.
  • Temps d’accès : 50 minutes depuis Pisco. 3h30 depuis Lima.
  • Département/Province : Ica / Pisco
  • Altitude : 480 m
  • Ville de départ suggérée : Pisco, Paracas ou Lima
  • Temps de visite : 2h
  • Service de guide : Non
  • Service de muletiers : Non
  • État du site : Restauré et mis en valeur.
  • Musée de site : Oui

Sources

Morris, Craig. El Palacio, La Plaza Y La Fiesta En El Imperio Inca [2013]

Véronique Wright, Gianella Pacheco, Henry Torres. Mural paintings in Ancient Peru: The case of Tambo Colorado, Pisco Valley. in STAR Science & Technology of Archaeological Research · December 2015

Martín Polo y La Borda Ramos. Nuevas evidencias en Tambo Colorado. Análisis del material arqueológico del Recinto 6 y Recinto 19. PUCP. Lima-2013.

Véronique Wright. Oliver Huaman Oros. Gianella Pacheco Neyra. Proyecto de investigación Tambo Colorado temporada 2013: una evaluación transdisciplinaria

PROTZEN, Jean-Pierre. El trabajo de Uhle en tambo colorado : una evaluación, 2010

https://archive.org/details/morris-craig.-el-palacio-la-plaza-y-la-fiesta-en-el-imperio-inca-2013/page/242/mode/1up

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