Le Pérou pays de cités perdues et de trésors archéologiques ?

Le Pérou est généralement associé à un univers semblant tout droit sorti d’Indiana Jones avec ses ruines oubliées, ses momies, ses trésors. Et il faut dire que le personnage d’Hollywood à de nombreux points communs avec des célèbres explorateurs du début du XXeme siècle comme Hiram Bingham qui a découvert le Machu Picchu ou Percy Fawcett qui affirmait avoir découvert une cité perdue dans la jungle bolivienne avant de disparaitre lors d’une expédition dans la forêt amazonienne en 1925. Les découvertes de ruines et de tombes ponctuent ainsi l’histoire de l’archéologie andine depuis plus d’un siècle avec parfois des histoires rocambolesques.

Hiram Bingham – Photo : wikipedia

La recherche de la dernière cité inca : Vilcabamba la vieja

La recherche des dernières cités incas de Vilcabamba occupe des explorateurs depuis le début du XX eme siècle. Ainsi, Hiram Bingham recherchait Vilcabamba la Vieja, la dernière cité de la rébellion de Manco Inca quand il a découvert Machu Picchu puis Vitcos. Mais l’emplacement de cette cité mythique détruite par les espagnoles ne sera découvert qu’en 1965 par Gene Savoy à Espiritu Pampa puis confirmé en 1976 par Edmondo Guillen.

La découverte ne convaincra toutefois pas certains explorateurs comme Santiago del Valle qui continuera d’arpenter la cordillère Vilcabamba, et malgré une période d’arrêt liée à la guérilla du sentier lumineux il découvrira les ruines de Pampaconas en 1997 ainsi qu’un complexe sur le flanc du nevado Choquezafra en 2006 qu’il considère comme étant l’emplacement véritable de Vilcabamba la vieja.

Les ruines de Pampaconas en 1997 – Photo : Santiago del Valle

Le seigneur de Sipan : la plus grande découverte archéologique du Pérou

En 1987, la police de la région de Lambayeque enquête sur la provenance d’artefacts en or à Chiclayo. Un homme alcoolisé ayant tenté de payer ses consommations au bar avec un superbe objet en or aurait lancé la police sur cette piste ! La police et un groupe d’archéologues dirigé par Walter Alva (alors directeur du musée Brüning) interviennent finalement au village de Sipan d’où proviennent les trésors, une forte agitation règne sur place où des centaines de personnes recherchent les trésors du mausolée. Lors de la perquisition d’une maison abritant des pièces archéologiques, Ernil Bernal Samame la personne ayant découvert la tombe et extrait les premiers trésors est abattu par la police.

La Huaca Rajada en 1987

Au mois d’Avril 1987, les archéologues débutent les fouilles en urgence sous protection policière avec des moyens très réduits et restent jour et nuit sur le site où des coups de feu sont tirés en l’air pour éloigner les habitants. Walter Alva se plait à se décrire à la manière d’un Indiana Jones équipé d’un vieux fusil et de quelques pinceaux usés effectuant ses fouilles au milieu de populations rendues très agressives par la fièvre de l’or (la mort du villageois abattu par la police a évidemment disparu de la « version officielle » de l’histoire !).

Les fouilles dans la tombe principale à Sipan

Si la première tombe a été totalement détruite, une seconde tombe est découverte et le 20 Juillet 1987, après un coup de pinceau, Alva tombe nez à nez avec la superbe parure d’oreille représentant le seigneur de Sipan en miniature, le temps s’arrête, il comprend qu’il est en train de faire la découverte de sa vie et l’une des plus importantes de l’archéologie péruvienne.

La découverte de la parure d’oreille du seigneur de Sipan en 1987

Le trésor de Sipan fera le tour du monde avant d’être conservé dans un splendide musée. L’histoire ne s’arrête cependant pas là, les douanes américaines et le FBI arrêteront des trafiquants d’art à plusieurs reprises ce qui permettra le retour de plusieurs objets en or de la première tombe de Sipan en 1996 et 1997. Pendant ce temps au Pérou, de violents affrontements éclatent concernant la localisation du musée qui sera finalement construit à Lambayeque et non à Sipan, expropriant au passage définitivement les habitants de leur patrimoine. Les fouilles à Sipan continuerons cependant et d’autres tombes seront découvertes dans la Huaca Rajada jusqu’en 2010, puis un musée local sera enfin construit sur le site original pour abriter les dernières découvertes.

Le musée Tumbas Reales qui abrite le trésor du seigneur de Sipan à Lambayeque

Gran Pajaten et les cités perdues des Chachapoyas

Après ses recherches à Vilcabamba, l’explorateur américain Gene Savoy, revendique la découverte des ruines Chachapoyas de Gran Vilaya et de Gran Pajaten en 1965, ces superbes cités sont alors enfouies sous la jungle dans le Nord du Pérou. Mais la découverte est polémique car Carlos Torrealva Juárez, maire du village voisin de Pataz avait revendiqué la découverte de Gran Pajaten en 1964 alors qu’il explorait le secteur avec d’autres villageois pour développer un projet agricole. D’autres recherches permettront de découvrir un autre groupe d’édifices en 1980 : les pinchudos, des édifices ornées de figurines en bois.

Les pinchudos à Gran Pajaten

Si les autorités locales ont longtemps espérées la mise en valeur du site pour des visites touristiques, il est aujourd’hui de nouveau partiellement recouvert de végétation et il ne peut se visiter sans un permis délivré par le ministère de la culture. Pourtant tous les péruviens connaissent l’existence du Gran Pajaten qui orne les billets de 100 Soles !

Le billet de 100 Soles

La Dame de Cao et la Huaca Cao viejo

En 1990, l’archéologue Regulo Franco et Guillermo Wiese, propriétaire d’une grande banque péruvienne, sont informés par un huaquero de la présence d’un mur orné de peintures dans le site archéologique El Brujo situé dans la vallée de Chicama au Nord de Trujillo. Ils décident alors d’abandonner un projet archéologique à Pachacamac pour débuter des fouilles sur ce site et découvrent finalement une impressionnante pyramide mochica similaire au temple de la Huaca de la luna de Trujillo : la huaca Cao Viejo. Le projet est le fruit d’un partenariat public privé et il est financé par la fondation Wiese, Guillermo Wiese le directeur de la fondation a la conviction qu’ils arriveront à découvrir une sépulture intacte similaire à celle de Sipan mais lorsque le projet découvre enfin une tombe royale, celle-ci est vide : le défunt a été déplacé à l’époque Mochica.

Des superbes fresques murales ornant la Huaca Cao Viejo

Guillermo Wiese décède en 1999 sans réaliser son rêve de découvrir une importante sépulture Mochica. Les archéologues pensent alors que leur projet largement soutenu par la passion du banquier va être mis à l’arrêt faute de fonds. Mais Wiese avait prévu une ultime enveloppe budgétaire et les fouilles reprennent et permettent de nouvelles découvertes ! Au milieu d’une pièce entourée de superbes peintures murales, une céramique est trouvée par hasard lors du nettoyage du sol, puis elle est déplacée pour être restaurée car elle a été partiellement brisée par accident. Sous la céramique se trouve une tombe royale avec un paquet funéraire imposant : c’est la dame de Cao, une dirigeante Mochica dont le corps est parfaitement conservé et accompagné d’un fabuleux trousseau funéraire.

La Dame de Cao – Photo : Complejo arqueologico el Brujo

Cette découverte permettra la construction d’un musée et l’ouverture au public d’un des sites offrant l’une des plus incroyables expérience de visite du pays. Mais la dame de Cao permettra aussi de compléter des connaissances acquises à Sipan et de repenser le rôle des femmes dans les sociétés préhispaniques.

La Huaca Cao Viejo et sa toile de protection

La tombe Huari du Castillo de Huarmey

En 2010, Milosz Giersz et d’autres archéologues polonais et péruviens débutent un important projet archéologique intégral sur le Castillo de Huarmey. Même si ils découvrent quelques artefacts, les contextes funéraires ont été fortement endommagés car la zone est bien connue des pilleurs de tombes depuis les années 1970. Durant la seconde campagne d’investigation en Septembre 2012, l’espérance de découvrir des tombes intactes est très faible, mais alors que les archéologues fouillent le sommet de la pyramide, ils découvrent une couche de remblai de pierres au fond d’un trou effectué par les huaqueros. La présence de larves de mouches dans ce remblai sembler indiquer la présence de matière organique et ils décident d’évacuer 33 tonnes de cailloux qui cachaient en réalité une sépulture Huari.

Les archéologues au travail – Photo : Milosz Giersz

Six squelettes masculins était disposés à manière d’offrande par-dessus les paquets funéraires de 57 personnes. Les trois personnages principaux étaient des femmes de haut rang accompagnées d’un véritable trésor composé de 1200 objets. Cette découverte sera exposée à Lima en 2014 et n’est à ce jour pas encore exposée dans un musée.

Des céramiques Huari – Photo : Milosz Giersz

Des découvertes encore possibles en 2022 ?

Ces histoires emblématiques de l’archéologie péruvienne ne sont que quelques exemples, en réalité de nombreuses découvertes sont réalisées chaque année malgré de très faibles moyens accordés à l’archéologie. Vous vous demandez alors surement s’il reste des sites archéologiques d’envergure à découvrir au Pérou en 2022 ?!

Capture d’écran de la base de donnée des sites archéologiques du Pérou

Le Pérou est parsemé de restes archéologiques sur la totalité de son territoire, des déserts côtiers aux cordillères jusqu’aux contreforts andins perdues dans la forêt tropicale, on trouve des ruines de partout. Allez dans n’importe quel village et demandez aux habitants de vous montrer les ruines et ils vous conduiront vers des vestiges à coup sûr. Certes toutes les ruines du Pérou n’ont pas le potentiel touristique de Machu Picchu mais il existe encore de nombreux sites impressionnants qui sont à l’abandon voir qui ne sont même pas enregistré dans les bases de donnée du ministère de la culture !

Les nécropoles pillées depuis l’époque coloniale s’étendent dans tout le pays et évoquent des paysages lunaires sur la côte désertique.

Les sites touristiques généralement immenses sont seulement partiellement fouillés et ouvert au public et réservent encore de nombreuses surprises !

L’exemple de Chanchan, la zone en rouge correspond à ce qui se visite, la zone en bleu représente les limites de la zone archéologique (qui est en vérité plus grande, plusieurs temples se trouvent aujourd’hui en pleine ville).

Les paysages transformés par l’homme depuis des siècles constituent également des vestiges archéologiques importants, voir le dossier sur les terrasses de culture andines pour plus d’informations.

Certes les termes de « cité perdues » ou de « découvertes » provenant de notre imaginaire occidental en quête d’exotisme, et alimenté par les films mais aussi par les documentaires et l’industrie touristique peuvent paraitre discutables. En effet, comme nous l’avons vu précédemment tous les grands sites du Pérou étaient bien évidemment connus des populations locales qui ont aussi leurs explorateurs, mais il reste tout de même beaucoup de beaux sites historiques à « faire découvrir » au grand public, aux voyageurs ou aux touristes encore trop enfermés dans les clichés du circuit touristique du Sud Pérou.

Rien que dans les Andes ou sur la côte, il est relativement facile pour un œil avisé de détecter de nombreux sites encore peu ou pas connus qui ne demandent qu’à être visités !

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