Les sites archéologiques de Caral menacés par des invasions

Au Pérou, les sites archéologiques subissent également les conséquences du coronavirus. Le site archéologique de Caral considéré comme l’un des plus ancien du Pérou a été envahi par des habitants de la vallée qui ont profité de l’absence de touristes et d’archéologues pour envahir plusieurs zones archéologiques durant le mois de Mai 2020.

La plus ancienne civilisation du Pérou

La civilisation Caral s’est établie entre la côte et la basse vallée du fleuve Supe à 150 km au Nord de Lima entre les années -3000 et -1800. Au total on trouve 20 sites archéologiques contemporains à celui de Caral dans la vallée de Supe. Le site éponyme à été étudié depuis le début des années 90 par l’archéologue Ruth Shady puis déclaré patrimoine mondial de l’UNESCO en 2009. La restauration et mise en valeur s’est faite à partir des années 2010. Aujourd’hui le projet archéologique Caral-Supe fouille une douzaine de sites de la vallée de Supe et a aménagé des circuits touristiques sur les sites de Caral, Aspero et Vichama.

Image : Zona Caral

L’invasion des sites archéologiques

Ce sont d’abord les sites de Caral, Allpacoto et Chupacigarro qui ont été touchés par une invasion agricole au mois de Mai 2020. Au total se sont 6 hectares situés au sein des zones archéologiques qui ont été transformés en culture d’avocats. La police fonctionnant avec des effectifs réduits en pleine crise du Covid a menée une enquête lente et peu convaincante qui a permis l’installation de plus de squatteurs durant les mois suivants sur différents sites de la vallée. De même dans des vallées voisines, d’autres sites ont été endommagés comme celui de Cerro Centinela près de Vichama où un tractopelle a été arrêté en plein chantier au cœur des ruines.

En Juillet l’invasion du site de Liman a été délogée par la police mais les squatteurs sont revenus dès le lendemain. Selon le code pénal péruvien l’altération ou la destruction d’un site archéologique à l’aide d’engins de chantier est normalement punit d’un peine de 3 à 6 ans ainsi que d’une forte amende. Cependant ces peines ne sont jamais appliquée et même si la police connaissait l’identité des squatteurs de Liman, ils ont été simplement rappelé à l’ordre, leur bâtiments ont été démontés et leurs arbres arrachés… ce qui ne les a pas empêché de revenir.

Image : El Comercio

Menaces de mort

En novembre, la destitution du président Vizcarra et la tentative de coup d’Etat provoque d’immenses manifestations dans toutes les grandes villes du Pérou, une crise politique s’additionne à la crise sanitaire et détourne encore plus l’attention portée aux sites archéologiques en péril. C’est à ce moment que Ruth Shady, la directrice du projet archéologique et son avocat reçoivent des menaces de mort par téléphone : si ils n’abandonnent pas leur poursuites contre les invasions de terrains, ils seront « tués et enterrés à 5 mètres sous terre ».

Le nouveau gouvernement de Sagastani a finalement décidé de réagir et de placer Ruth Shady sous protection policière après plusieurs demandes. Des renforts de la police nationale ont aussi été envoyés au commissariat de Barranca pour protéger les sites archéologique et en Janvier, Ruth Shady a été décorée de l’ordre du mérite.

Au total ce sont actuellement 6 sites archéologiques de la vallée de Caral (Caral, Chupacigarro, Allpacoto, Pueblo Nuevo, Vichama y Limán.) qui sont encore menacés par des envahisseurs.

Image : Gestion

Trafiquants de terrains

On peut se demander si envahir un site classé au patrimoine mondial de l’Unesco et menacer une archéologue considéré comme l’une des 100 femmes les plus influentes de l’année 2020 par la BBC est l’oeuvre de gens sérieux et décidés. Cependant le cas de Caral ressemble fortement à une mafia cachée derrière des groupes de paysans cherchant à étendre leurs cultures dans la vallée, ce genre d’affaire est plutôt courante et doit être pris très au sérieux.

Au Pérou l’invasion et le trafic de terrain est monnaie courante et plus particulièrement sur la côte où le prix des terrains peut atteindre des valeurs ahurissantes depuis quelques années. Dans la vallée de Supe le prix d’un hectare est ainsi passé de 5000$ à 38000$.

De plus, il existe dans le pays une complaisance des gouvernements successifs avec l’urbanisation informelle, en effet la plupart des grandes villes du pays ont grandies au rythme des vagues de migrations des campagnes vers les villes et des invasions de terrains. Ces invasions se font généralement de manière organisées par des associations ou groupes en provenances de communautés paysannes et à la recherche d’un endroit ou s’installer dans les faubourgs des grandes villes.

Cependant derrière certaines entreprises ou associations de migrants se cachent des mafias organisées et déterminées qui se dédient à l’achat et la vente illégale de terrains. Ces personnes n’hésitent pas à menacer et assassiner pour parvenir à leurs fins et ils utilisent généralement des stratagèmes pour dissimuler leurs objectifs. Une stratégie classique consiste à installer quelques agriculteurs supposés dans un terrain pour former une base de départ à une invasion massive. Ainsi en 2018, la réserve écologique de Chaparri dans le Nord du Pérou a subit l’attaque d’une mafia décidée à s’approprier les 36000 hectares de cette réserve en infiltrant une partie de la communauté et en faisant croire à un conflit interne. Des centaines de personnes supposées appartenir à la communauté paysanne ont été introduites dans la réserve afin de construire des cabanes et des cultures. Après des mois de conflit au sein de la communauté durant lesquelles des dizaines de personnes ont été suivie et menacées (dont le juge en charge de l’affaire), un des défenseurs de la réserve a été cruellement tabassé et étranglé par 4 hommes à son domicile. Si plusieurs dizaines de personnes ont depuis été arrêtées, l’enquête est toujours en cours et il semblerait qu’un homme politique du gouvernement régional de Lambayeque soit impliqué dans l’affaire.

Comme nous l’avons vu à travers le cas de la Réserve Chaparri les sites archéologiques ne sont malheureusement pas les seules terres menacées par les trafiquants et des communautés font actuellement face à une forte pression de la part d’entreprises et de groupes mafieux qui n’hésitent pas à menacer, agresser voir assassiner ceux qui s’opposent aux vols de leurs terres (en 2020, 5 défenseurs de l’environnement ont été assassinés en Amazonie dans une quasi indifférence générale).

Bien que le ministère de la culture ne publie aucun chiffre concernant les pillages et invasions de sites archéologiques en 2020, il est indéniable que la pandémie ait facilité les agressions de trafiquants en tout genre. Seulement entre Avril et Mai 2020 le ministère à reçu 50 plaintes pour des dommages causé à des sites historiques, parmi eux Chanchan, Caral, Cerro Pitura, Chankillo et Vichama. Si plusieurs expulsions ont été ordonnées depuis, on peut s’interroger sur l’efficacité du gouvernement péruvien déjà largement désintéressé par la culture depuis quelques années. Quant au Ministère de la Culture, il a préféré mener une croisade contre un archéologue reconnu ayant bravé l’arrêt des fouilles au moins d’Avril (pour terminer de récupérer et mettre en sécurité des découvertes dont il avait la responsabilité) plutôt que de mettre en place des mesures pour protéger les sites archéologiques…

https://elcomercio.pe/tecnologia/ciencias/coronavirus-caral-denuncian-invasion-de-zona-arqueologica-de-caral-durante-la-cuarentena-noticia/?ref=ecr

https://www.bbc.com/mundo/noticias-america-latina-55554507?at_custom1=%5Bpost+type%5D&at_custom3=BBC+News+Mundo&at_custom2=facebook_page&at_custom4=C6509C2A-4FA9-11EB-9D49-FCAC96E8478F&at_campaign=64&at_medium=custom7

https://pacifista.tv/notas/la-pandemia-agudiza-aun-mas-la-violencia-contra-los-indigenas-de-america-latina/

https://es.mongabay.com/2018/03/trafico-de-tierras-en-chaparri/

https://ifea.hypotheses.org/4221

https://limagris.com/un-ministerio-de-cultura-en-piloto-automatico-contra-el-arqueologo-pieter-van-dalen/

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